Homélie pour la fête de l’Assomption
Abbé Jean Compazieu | 4 août 2012Textes bibliques : Lire
Dans ne Nouveau Testament, on ne parle pas souvent de Marie, mais ce qu’on nous en dit est très important. Elle apparaît avec les apôtres le jour de la Pentecôte. Après cela, on n’en parle plus. Elle se fond dans l’Eglise. Par la suite, celle-ci lui donnera plusieurs titres. Elle est la Mère de Dieu et la Mère de l’Eglise. A partir de la fin du 7ème siècle, on célèbrera le 15 août la fête de la Dormition de Marie. Cette fête deviendra celle de l’Assomption que nous célébrons aujourd’hui.
Pour ceux qui n’ont pas l’habitude, la première lecture est un peu déconcertante. Mais les théologiens sont habitués à voir dans cette “Femme ayant le soleil pour manteau, la lune sous les pieds et sur la tête une couronne de douze étoiles” une figure de Marie. Mais la vision de la femme gémissant dans les douleurs de l’enfantement et confrontée avec le dragon prêt à dévorer son enfant dès sa naissance cadre moins bien avec l’image que nous nous faisons de Marie.
Le voyant de Pathmos qui a écrit ce récit voit deux grands signes dans le ciel : la femme et le dragon. Ces signes ont une signification. Cette femme représente l’Eglise. Le dragon signifie le pouvoir oppresseur et persécuteur. En effet, au moment où ce texte de l’Apocalypse a été écrit, plusieurs chrétiens sont mis à mort parce qu’ils osent confesser publiquement leur foi et refusent de renier le Christ lorsqu’on veut les y forcer. L’auteur affirme que la victoire finale sera celle de l’Agneau, c’est à dire celle du Christ. C’est donc un message d’espérance pour tous les chrétiens persécutés. Cette vision de l’Apocalypse englobe toute l’histoire de l’humanité et l’humble fille de Nazareth se situe au beau milieu de cette histoire.
Saint Paul nous rappelle le fondement de notre foi. Il nous dit que Jésus est le premier ressuscité d’entre les morts. Par lui nous vient la résurrection. Il est celui qui détruira toutes les puissances du mal, en particulier la mort. Saint Paul nous annonce que l’ennemi à abattre c’est la mort. Toutes les professions de santé sont mobilisées contre cet ennemi. Et chacun de nous doit également lutter contre tout ce qui est mort en nous. Notre Dieu est le Dieu des vivants ; il veut que nous ayons la vie en abondance. Cette fête du 15 août est une fête de la Vie.
La lecture d’Evangile choisie pour cette fête nous raconte la visite de Marie à Elisabeth. L’élément central de cet évangile c’est la rencontre de Jésus et de Jean Baptiste, tous deux dans le sein de leur mère. Le sens de cette rencontre est donne par le dialogue entre ces deux femmes qui représentent l’ancienne alliance et la nouvelle alliance. Saint Luc nous racontera, par la suite, comment Marie a mis au monde « le premier né » de la nouvelle alliance et l’a donné en nourriture au monde en le plaçant dans une mangeoire.
Et aujourd’hui, nous fêtons Marie qui a mis au monde le « Premier né. » Elle est la première de cette multitude de sœurs et de frères à l’avoir suivi dans la gloire. Elle se fond avec l’Eglise mais elle en est aussi la Mère ; et en elle toute l’Eglise se trouve concentrée. Cette Eglise, ce n’est pas l’Eglise institutionnelle qui est sacrement du Christ sur la terre ; c’est l’assemblée de tous ceux qui ont été conformés à l’image du Christ par l’Esprit-Saint. Qu’ils aient ou non reçu l’enseignement des apôtres, ils incarnent dans leur vie les valeurs proclamées par Jésus.
De nos jours, la même bataille entre les forces de lumière et les forces dés ténèbres continue. Il y a autant de martyrs que par le passé, et probablement plus. Cependant, la nature du martyre a changé ces dernières années. Certains meurent pour leur foi, mais beaucoup sont tués parce qu’ils se mettent du côté des petits, parce qu’ils défendent les intérêts de ces derniers contre les puissants. Cette situation est toujours celle dont parle Marie dans le Magnificat : D’un côté, il y a le règne de ceux qui craignent Dieu, les humbles, les affamés, ceux qui, spirituellement sont de la race d’Abraham.
En face, nous avons les superbes, les puissants, les riches, les oppresseurs. Et l’humble fille de Nazareth a des paroles qui seraient jugées révolutionnaires et subversives dans toute autre bouche : « Déployant la force de son bras, il disperse les superbes. Il renverse les puissants de leur trône, il élève les humbles. Il comble de biens les affamés, renvoie les riches les mains vides. »
Le Christ est le Fils de Dieu fait homme. Comme il est pleinement homme tout en étant pleinement Dieu, sa résurrection et son Ascension, dans le ciel auprès de Dieu, nous révèlent la grandeur de notre nature humaine telle que Dieu l’a voulue. Là où il est, il veut que nous soyons. Ressuscité au matin de Pâques, sorti vivant du tombeau et entré avec notre humanité dans la gloire du ciel, Jésus nous a ouvert le chemin du bonheur et de la vie auprès de Dieu. La Vierge Marie nous a précédés au ciel où elle vit avec le Seigneur Jésus ressuscité. Elle est le signe de notre propre espérance. Ce bonheur que Dieu lui a donné, il veut nous le donner à tous aussi.
L’Assomption de Marie dans la joie du ciel nous montre donc le but de notre pèlerinage terrestre. Le chemin pour y parvenir, c’est Jésus lui même qui nous le montre. Marie n’a pas suivi d’autre chemin. Elle a été la servante du Seigneur; et aujourd’hui, elle nous dit: “Faites tout ce qu’il vous dira”.
Cette fête de l’Assomption de la Vierge Marie doit raviver notre foi, notre lien profond avec Jésus Christ, notre désir de le suivre sur le chemin vers la Maison du Père. En ce jour, nous te prions Seigneur : accorde-nous par l’intercession de Marie élevée au ciel de parvenir à la gloire de la résurrection !
Sources : Signes, Dimanche en paroisse, Les entretiens du dimanche (Noël Quesson), dossiers personnels
LA PAROLE DE DIEU S’ÉCOUTE ET SE MANGE
Gardons bien le fil de ce long chapitre 6 de l’évangile de Jean que la liturgie rapporte en ces 5 dimanches.
1ère étape : Jésus, un soir, a effectué un partage du pain pour une foule et a fui l’enthousiasme.
2ème étape (omise en liturgie) : traversée difficile du lac. Jésus se révèle : « C’est moi »(en hébreu : YHWH)
3ème étape (la semaine passée) : la foule a retrouvé Jésus et lui demande de réitérer le miracle, sur le modèle de la manne donnée jadis chaque jour aux ancêtres dans le désert. Jésus a refusé net et a exhorté les gens à chercher une autre nourriture qui, elle, donnerait une autre vie, la Vie divine. Et il a lancé cette invitation stupéfiante : « Croyez en moi, l’Envoyé de Dieu ».
* Aujourd’hui, 4ème étape : la liturgie a malheureusement sauté les versets 36-40. Je propose d’en rétablir la lecture, indispensable pour bien comprendre.
Jésus leur dit : « Je suis le Pain de Vie. Celui qui vient à moi n’aura pas faim, celui qui croit en moi n’aura jamais soif. Mais je vous l’ai dit : Vous avez vu et pourtant vous ne croyez pas. Tous ceux que le Père me donne viendront à moi ; et celui qui vient à moi, je ne le rejetterai pas. Car je suis descendu du ciel pour faire non pas ma volonté mais la volonté de Celui qui m’a envoyé. Or la volonté de Celui qui m’a envoyé, c’est que je ne perde aucun de ceux qu’il m’a donnés mais que je les ressuscite au dernier jour. Telle est en effet la volonté de mon Père : que quiconque voit le Fils et croit en lui ait la Vie éternelle ; et je le ressusciterai au dernier jour ».
Jésus, à la différence des prophètes, ne ponctue jamais ses oracles par : « Oracle du Seigneur ! » car il se dit le FILS qui est envoyé par Dieu SON PERE, afin d’accomplir la mission ultime : donner la Vie divine aux hommes qui croient en lui. Avec tristesse il constate que beaucoup de gens admirent ses enseignements et ses miracles, mais ne voient en lui qu’un guérisseur, un prédicateur, un sage, un homme admirable. D’un autre côté, il se réjouit de voir que certains hommes « viennent à lui » (expression qui dénote une démarche de foi) et à ceux-là, il fait une promesse extraordinaire : Quiconque me croit en tant que « Fils de Dieu », quiconque distingue mon origine et vient à moi comme disciple, je lui donnerai la Vie divine, je ne le rejetterai jamais, je le garderai et je le ressusciterai.
(Ici commence la lecture liturgique)
Comme Jésus avait dit : « Moi, je suis le Pain descendu du ciel », les Juifs récriminaient contre lui : « Cet homme-là n’est-il pas Jésus, fils de Joseph ? Nous connaissons bien son père et sa mère. Alors comment peut-il dire : « Je suis descendu du ciel ? »
Nous l’avions déjà vu (14ème dimanche) lorsque Marc avait raconté la visite de Jésus à Nazareth : les villageois s’étaient cabrés devant ce charpentier dont ils connaissaient bien la famille et ils n’avaient pas accepté qu’il vienne les appeler à la conversion au Royaume de Dieu. Ici de même, Jean souligne la réaction violente soulevée par cet homme bien connu et qui prétend être « descendu du ciel », c.à.d. venir de Dieu. Telle est bien en effet la question fondamentale qui traverse tous les évangiles et spécialement celui de Jean : le comportement de Jésus, sa façon d’enseigner, ses guérisons et ses affirmations sur lui-même forcent toujours à poser la même interrogation: « Qui donc est-il ? D’où sort-il ? » (7, 27 ; 8, 14 ; 9, 29…). Oui Jésus est un homme situé comme les autres, on connaît ses parents, son âge, son métier, sa façon de parler. Il n’est pas un extra-terrestre ni un ange. Quelle est donc son identité profonde ?…
Jésus ne revient pas en arrière et il va justifier son affirmation.
Jésus reprit la parole : « Ne récriminez pas entre vous ! Personne ne peut venir à moi si le Père qui m’a envoyé ne l’attire vers moi, et moi, je le ressusciterai au dernier jour.
Il est écrit dans les Prophètes : « Ils seront tous instruits par Dieu lui-même ». Tout homme qui écoute les enseignements du Père vient à moi. Certes personne n’a jamais vu le Père sinon celui qui vient de Dieu : celui-là, seul, a vu le Père.
Amen, amen, je vous le dis : celui qui croit en moi a la Vie éternelle. Je suis le Pain de Vie.
Au désert, vos pères ont mangé la manne et ils sont morts. Mais ce Pain-là qui descend du ciel, celui qui en mange ne mourra pas ».
La foi en Jésus comme Fils vient donc d’un attrait du Père. Cela ne peut vouloir dire que le Père attire à lui ceux-ci plutôt que ceux-là : il y aurait là un arbitraire intolérable, un fatalisme qui nierait notre liberté. Cela semble donc signifier : certains doutent de l’attrait de Dieu, ils hésitent, ils restent sceptiques alors que d’autres se laissent attirer par lui pour se mettre à chercher qui est Jésus et à le découvrir vraiment.
Et comment faire cette découverte ? Par les Ecritures.
Après l’affreuse destruction de Jérusalem et la déportation du peuple à Babylone (6ème siècle av. J.C.), un prophète (le 2ème Isaïe) avait rendu l’espérance à la ville : « Pousse des acclamations, le Seigneur te rachète, il est Dieu de toute la terre…Avec tendresse, je vais rassembler tes enfants…Tous tes fils seront enseignés par le Seigneur, et grande sera leur paix… » (Isaïe 54, 13…). Jérémie disait de même : « Ils ne s’instruiront plus entre compagnons en répétant : « Apprenez à connaître le Seigneur ». Car tous, petits et grands, me connaîtront. Je pardonne leur crime… » (Jér 31, 34).
Donc si, pendant des siècles, il avait fallu écouter les enseignements exprimés par Moïse, les Prophètes, les Sages – tous ceux que la tradition désignait comme les envoyés légitimes de Dieu -, après le désastre, il y aurait une nouvelle Alliance entre Dieu et les hommes. Quelle serait sa nouveauté ? L’Esprit de Dieu serait donné, les cœurs seraient atteints, la Parole de Dieu ne serait plus un enseignement à écouter et à apprendre mais elle serait inscrite sur les cœurs qu’elle rendrait dociles à la Volonté divine.
Ici donc Jésus assure que cette révolution spirituelle est en train de s’accomplir avec lui : il donne l’Esprit de Dieu et, en l’écoutant, l’homme se laisse enseigner directement par Dieu. La relation de foi n’est plus celle de maître/disciple, enseignant/élève, sermon/amen … mais celle de « PERE/FILS ».
En ce nouveau régime le croyant communie avec le Fils Jésus, donc il A LA VIE….et l’espérance de la résurrection finale lui est assurée.
La lecture liturgique ajoute le verset 51 qui amorce le développement suivant quand Jésus va dire que ce Pain, c’est « sa chair » même: ce sera le sujet de la prochaine étape.
Je suis le Pain vivant, qui est descendu du ciel. Si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement. Le pain que je donnerai, c’est ma chair, donnée pour que le monde ait la Vie.
CONCLUSIONS.
« J’ai dévoré ce livre…Je buvais les paroles de cet homme…Je restais bouche ouverte… » : nos expressions manifestent que nous ne vivons pas que de pain, que nous avons faim d’une Vérité qui fait vivre. On parle beaucoup de la pauvreté matérielle (scandaleuse certes) mais la pauvreté morale et spirituelle est pire. Des hommes nantis meurent parce qu’ils n’ont pas entendu une parole vraie. Des jeunes sont gavés et ils ne sont jamais comblés. Leur chambre est pleine, leur cœur est vide.
Quelle joie d’accueillir l’Evangile non comme un beau texte, une parole extérieure mais comme Parole de Quelqu’un QUI EST CETTE PAROLE. Il faut le « dévorer », le manger comme on mange du pain. Donc fermer les oreilles au tintamarre publicitaire, oublier les catéchismes et les cours de religion, dépasser les critiques (vraies) contre l’Eglise, percevoir qu’il y a autre chose que des croyances et de la morale, des édifices somptueux et des cérémonies présidées par des Eminences rouges.
CHERCHER JESUS. Qui donc est-il ? Un homme, oui, mais encore … ? L’écouter, le croire. Faire l’expérience intérieure que son message est le messager lui-même.
Quand le livre de l’Evangile est fermé, quand le prédicateur se tait, il DEMEURE dans le cœur.
Alors sois-en sûr : TU VIS….TU RESSUSCITERAS.
Aujourd’hui on peut remettre en valeur la procession d’entrée avec l’EVANGELIAIRE et souligner l’engagement de la réponse : « ACCLAMONS LA PAROLE DE DIEU »
Raphaël D
merci pour cette belle conclusion que le Seigneur accompagne chacun de vos pas